Introduites volontairement ou accidentellement, les espèces exotiques envahissantes représentent aujourd’hui l’une des principales menaces pour la biodiversité mondiale. Dans les Antilles françaises, plusieurs espèces de tortues d’eau douce introduites au fil du temps se sont bien établies dans les milieux naturels, parfois au détriment des espèces locales. Comprendre leur répartition et leur impact est donc essentiel pour mettre en place des actions de gestion efficaces.
Lancé en 2024, le projet DEVIMTOR, coordonné par Caribaea Initiative et financé par l’Office français de la biodiversité, l’Office de l’eau Guadeloupe et l’Office de l’eau Martinique, vise à mieux connaître et à limiter l’impact de ces tortues exotiques dans les milieux aquatiques de Guadeloupe et de Martinique.
La vidéo ci-dessous donne la parole à Christopher Cambrone, coordinateur scientifique du projet, qui revient sur les enjeux et les actions menées dans le cadre du projet.
En Guadeloupe : un travail de terrain bien avancé
Les premières phases du projet se sont concentrées sur la Guadeloupe, où un important travail de repérage a permis d’identifier 172 mares, dont 54 ont finalement été retenues pour la collecte d’échantillons. Les campagnes de terrain, menées par Mirella Morgene et Jérémy Eudleur, deux jeunes techniciens entièrement dédiés au projet, sont aujourd’hui largement engagées. Dans les mares sélectionnées, le sédiment a été collecté et l’ADN environnemental y a été extrait afin de rechercher des traces laissées par les tortues, une méthode innovante qui permet de détecter les espèces présentes sans les capturer.
Des prélèvements d’eau ont également été effectués dans le même objectif. Le protocole initialement prévu a dû être adapté aux conditions locales, marquées par une forte turbidité de l’eau, caractéristique des milieux tropicaux. Après plusieurs essais, une nouvelle méthode de filtration a été mise au point, plus efficace pour capter l’ADN laissé dans l’eau par les tortues. Les analyses en laboratoire se poursuivent, et les résultats seront mis en parallèle aux autres données collectées sur les sites, notamment les caractéristiques écologiques et physico-chimiques des mares échantillonnées.
En Martinique : la collecte prévue dans les prochaines semaines
En Martinique, plus de 200 mares ont été recensées et cartographiées. Une sélection d’une centaine de sites a été retenue en fonction de leur accessibilité et de leur intérêt écologique, et les demandes d’autorisation d’accès sont en cours.
Les missions de terrain débuteront d’ici la fin de l’année, avec l’appui de notre partenaire sur place, Nathalie Duporge. L’équipe sera chargée non seulement de collecter les échantillons d’eau et de sédiments, mais aussi de caractériser l’environnement de chaque site (végétation, profondeur, température, pH, présence d’oiseaux et d’odonates, etc.), afin d’obtenir une vision globale des habitats fréquentés par les tortues exotiques.
Et ensuite ?
Les analyses génétiques, menées à partir des échantillons d’eau et de sédiments récoltés sur les deux territoires, permettront d’identifier les espèces de tortues exotiques présentes sur chaque site. D’autres analyses génétiques permettront quant à elle d’identifier le contenu stomacal d’individus capturés en Guadeloupe et en Martinique, ce qui apportera d’importantes informations sur le régime alimentaire de ces espèces, et donc sur leur impact sur la biodiversité locale. En parallèle, des balises GPS seront prochainement installées sur certains individus afin de suivre leurs déplacements et mieux comprendre leurs comportements.
Grâce à ces données, le projet DEVIMTOR apportera des connaissances importantes pour comprendre la dynamique des populations de tortues exotiques dans les Antilles, ainsi que leur impact sur la biodiversité locale.

