Sélection naturelle vs sélection sexuelle : Pourquoi certains poissons Limia vittata ont des tâches et d’autres pas ?

A Cuba, l’espèce Limia vittata est répandue. Ce poisson endémique de l’île présente un polymorphisme : certains individus portent des points noirs sur leur corps, tandis que d’autres en sont dépourvus. Pour comprendre l’origine de cette variabilité d’apparence, des chercheurs ont testé deux hypothèses : la sélection naturelle et la sélection sexuelle. 

Limia vittata est une espèce de poissons appartenant à la famille des Poeciliidae. Endémiques de Cuba, ces poissons se retrouvent dans une large variété d’environnements à travers l’île, allant d’une eau douce à une eau très salée. Ces caractéristiques pourraient toutes deux expliquer la variabilité observée dans l’apparence des individus : mâles comme femelles présentent un nombre de tâches noires variables, parfois même complètement absentes.

D’une part, des espèces proches comme les guppies sont également connues pour présenter des apparences variables. Chez certaines de ces espèces, les mâles ayant un pattern de couleur rare ont un avantage reproductif. Autrement dit, la sélection sexuelle, via la préférence des femelles, pourrait expliquer la présence de variations de couleurs au sein de leurs populations. Cependant, la variabilité des environnements dans lesquels les poissons L. vittata évoluent pourrait également expliquer la diversité des apparences. Il est en effet possible que certains environnements favorisent des patterns particuliers sous l’effet de la sélection naturelle. Pour mieux comprendre quel mécanisme est à l’origine du polymorphisme observé chez L. vittata, des chercheurs ont testé les deux hypothèses.

L’hypothèse de la sélection sexuelle a été testée en laboratoire par un test très classique dans le domaine : le test du choix de partenaire. Chaque individu testé est placé au centre d’un aquarium. D’un côté de l’aquarium, un poisson du sexe opposé présentant de nombreux points noirs est visible, tandis qu’un autre poisson ayant, lui, peu de tâches se trouve de l’autre côté. Le temps passé à proximité de chacun des deux poissons est un bon indicateur de la préférence des individus.

Les poissons ont été pêchés dans des milieux aquatiques variés de Cuba

Pour tester l’hypothèse de la sélection naturelle, les chercheurs se sont basés sur le paramètre le plus variable, à savoir la salinité. Après avoir estimé l’importance des tâches de poissons capturés dans le cadre d’une précédente étude, ils ont tenté de faire le lien avec les niveaux de salinité de l’eau, mesurés aux sites de capture.

Verdict ? Aucune préférence particulière des mâles ou des femelles pour des partenaires plus ou moins ponctués. En revanche, les analyses ont mis en évidence un lien entre une salinité de l’eau élevée et une quantité importante de points noirs sur le corps des poissons. Selon les chercheurs, les environnements salés correspondant aux milieux côtiers ou aux estuaires pourraient abriter un nombre plus important de prédateurs. Dans ces milieux où la matière organique est importante, les points noirs agiraient comme un camouflage. Les individus qui en sont porteurs échapperaient ainsi plus facilement à la prédation. Des études menées chez d’autres espèces de poissons ont en effet montré que les prédateurs s’attaquaient d’avantage aux individus ne présentant pas de tâches. Prochaine étape : vérifier cette hypothèse chez L. vittata dans une future étude !

 

Référence

Rodriguez-Silva, R., Spikes, M., Monsisbay, M.I. & Schlupp, I. (2023). Color polymorphism in the Cuban endemic livebearing fish Limia vittata (Teloestei, Poeciliidae): Potential roles of sexual and natural selection. Ecology & Evolution 13: e9768.