A la poursuite des anoles : Récit d’une mission en Dominique

C’est une nouvelle mission qui s’achève en Dominique. Une mission scientifique, mais aussi une belle aventure humaine dans cette île que l’on surnomme « The Nature Island of the Caribbean » (« L’île nature des Caraïbes ») en raison de son exceptionnelle conservation. Récit d’une semaine sur les traces des anoles.

Anolis oculatus

L’île de la Dominique, comme beaucoup d’îles des Caraïbes, dispose d’une biodiversité unique, comprenant des espèces endémiques, c’est-à-dire que l’on ne trouve nulle part ailleurs. C’est le cas d’Anolis oculatus, un lézard arboricole de quelques centimètres de long et d’apparence variable au sein des différents écosystèmes de l’île. S’il n’est pas considéré comme menacé, A. oculatus subit depuis quelques années la concurrence d’une autre espèce, A. cristatellus, un lézard invasif originaire de Porto Rico. Les conséquences de cette interaction toute récente sur l’espèce native ne sont pas encore connues. L’étude conjointe de ces deux espèces constitue donc un des programmes de recherche du projet MERCI, et permettra d’évaluer les risques posés par l’espèces invasive sur l’espèce native.

Sur place, plusieurs personnes travaillant à la Forestry, Wildlife and Parks Division, partenaire gouvernemental du projet en Dominique, assureront le suivi des deux espèces. Avant cela, deux missions auxquelles ont participé des chercheurs de Caribaea Initiative ont permis de lancer les premières investigations tout en formant l’équipe. La deuxième qui vient de s’achever était menée par Annabelle Vidal, spécialiste de l’étude des populations de lézards anoles.

La mission a débuté par un cours théorique suivi d’une formation pratique menée dans un jardin botanique où Annabelle a pu faire des démonstrations des techniques de capture des lézards, de leur manipulation, et de la récolte des mesures et échantillons. L’occasion également pour le reste de l’équipe de s’entraîner sous sa supervision. Norma, jeune étudiante ayant bénéficié de la formation, s’enthousiasme de cette opportunité d’apprentissage des techniques de capture-marquage-recapture : « Je termine actuellement mon propre projet de master, donc les compétences et les méthodes qu’elle nous a enseignées seront cruciales pour ce projet et les futurs projets sur les anoles que nous mènerons. »

Démonstration des techniques d’étude des anoles

Prospection des sites et délimitation des transects d’échantillonnage

 

Durant les quatre jours suivants, l’équipe a sillonné l’île, explorant et sélectionnant des sites répartis sur l’ensemble du territoire. Avec leur matériel embarqué dans des sacs, les scientifiques s’adaptent au terrain, qui leur offre des paysages variés. A la pointe nord de l’île, dans le site de Park Connor, le vent sur les collines est tellement constant et fort que les arbres poussent de travers. Plus au centre des terres, Annabelle est marquée par la hauteur des arbres : « Après le passage du cyclone Maria en 2017, l’île a été dévastée. Mais la forêt tropicale pluvieuse de Titou George repousse tellement vite que les arbres font déjà plusieurs mètres ». Au cours de la mission, une centaine d’anoles ont été capturés, étudiés (mesures, collecte d’échantillons de tissus et de fèces), puis marqués grâce à des implants colorés placés sous leur peau, qui permettront, lors d’une prochaine capture, d’identifier chaque individu (pour plus d’informations, lire le rapport de mission).

Sur un des sites d’échantillonnage, le transect délimité pour le suivi finit à quelques mètres de la plage

La mission représente également une opportunité pour les différents partenaires du projet de créer des liens. Ils s’enthousiasment d’ailleurs de la bonne ambiance qui a régné tout au long de la semaine. L’heure est aussi au partage. En plus du travail sur les anoles, Annabelle a ainsi pu accompagner Jeanelle lors du suivi nocturne des iguanes. Dans le cadre du projet MERCI, Jeanelle étudie en effet l’impact de l’iguane commun (Iguana iguana), une espèce invasive en Dominique et dans de nombreuses îles des Caraïbes, sur l’iguane des Petites Antilles (I. delicatissima), une espèce native. Des mesures d’éradication de l’espèce invasive et des individus hybrides sont menées par l’équipe pour tenter de limiter l’effet négatif sur l’espèce locale. Annabelle a également pu approcher, grâce à une collaboratrice du projet MERCI, des Amazones impériales, perroquets emblématiques de la Dominique qui figurent notamment sur son drapeau et ses armoiries.

 

Durant la mission, une partie de l’équipe a dormi dans un fort anglais du Nord de l’île, patrimoine UNESCO, entre deux sessions de terrains.

 

La mission achevée, le travail en Dominique continue pour les partenaires sur place. Les captures d’anoles vont continuer sur les différents sites d’échantillonnage mis en place au cours de la semaine, avec une prospection prévue toutes les deux semaines. Les données récoltées seront analysées en octobre, à l’issu du travail de terrain, et permettront de mieux comprendre les conséquences de l’introduction de l’espèce invasive sur l’espèce native, tout en envisageant la mise en place de mesures de gestion adaptées.

Annabelle Vidal (au centre), entourée des membres de l’équipe sur place (de gauche à droite) : Jeanelle Brisbane, Ricardo Dominique, Benjamin Stewart, Ira Pierre et Norma Anthony.

 

Lire le rapport de mission (PDF)

Photos: Ricardo Dominique & Annabelle Vidal

 

Le projet MERCI est cofinancé par le programme INTERREG Caraïbes au titre du Fonds Européen de Développement Régional