Les populations de pigeons à cou rouge se dévoilent grâce à leur ADN

Dans les Grandes et les Petites Antilles, le pigeon à cou rouge (Patagioenas squamosa) joue un rôle écologique important dans la régénération des forêts. Comme la plupart des colombidés, l’oiseau est capable de parcourir de longues distances en vol, et participe donc à la dissémination des graines grâce à son régime alimentaire frugivore. Bien qu’ayant à l’heure actuelle une répartition plutôt large, l’espèce est soumise à diverses menaces responsables d’un déclin avéré dans certaines zones au cours des dernières années. En plus de la perte ou de la fragmentation de son habitat, le pigeon à cou rouge subit en effet une importante pression liée à la chasse, qui pourrait à terme, sans aucun plan de gestion adapté, mettre l’espèce en péril.

Pour mieux comprendre et anticiper les risques qui pèsent sur l’espèce, une équipe de chercheurs s’est récemment penchée sur les caractéristiques génétiques de l’espèce dans les Caraïbes. La diversité génétique constitue un paramètre important pour la persistance des populations sauvages, puisqu’elle est garante d’une bonne capacité d’adaptation de ces populations face aux modifications de leur environnement. Étudier les caractéristiques génétiques d’une espèce permet également de mieux en comprendre la structure, et notamment d’en définir les éventuelles sous-unités (sous-espèces, populations) et leur répartition géographique.

Christopher Cambrone et son équipe ont analysé des échantillons d’ADN de pigeons à cou rouge issus de quatre îles différentes : Porto-Rico, la Guadeloupe, la Martinique et la Barbade. En comparant les caractéristiques    génétiques de 128 individus, ils ont mis en évidence un clivage entre les pigeons de la Barbade, qui présentent une faible diversité génétique, et ceux des autres îles, qui montrent entre eux de fortes similitudes génétiques.

Les caractéristiques génétiques des individus de la Barbade concordent avec l’histoire de l’espèce sur cette île. Absents à l’origine, les pigeons qui s’y trouvent actuellement sont les descendants d’un petit nombre d’animaux échappés de volières il y a une centaine d’années. La ressemblance génétique des individus des autres îles, quant à elle, suggère que les pigeons qui s’y trouvent ne forment qu’une seule et même vaste population.

Ces résultats sont utiles pour déterminer des mesures de conservation de l’espèce efficaces. Ils suggèrent notamment que la régulation des prélèvements cynégétiques serait plus efficace à l’échelle régionale qu’à l’échelle locale.

 

A propos de l’auteur

Christopher Cambrone est actuellement en dernière année de doctorat à l’Université des Antilles, sous l’encadrement de Pr. Frank Cézilly et Dr. Etienne Bezault, au sein de l’Unité mixte de recherche BOREA. Sa thèse a pour thématiques la biologie et la génétique des populations de deux espèces de pigeons présentes dans les Caraïbes : le pigeon à couronne blanche, Patagioenas leucocephala, et le pigeon à cou rouge, P. Squamosa. Ces recherches et sa thèse sont co-financées par Caribaea initiative.

Christopher a obtenu sa licence de biologie et son master spécialisé en écologie comportementale à l’Université de Bourgogne Franche-Comté (Dijon) en terminant major de sa promotion. Il est l’un des premiers étudiants à être entré dans le programme Caribaea Initiative, dès sa première année de master, durant laquelle il a initié ses travaux de recherche sur le pigeon à couronne blanche et le pigeon à cou rouge.

 

Référence

Cambrone, C., Cézilly, F., Wattier, R., Eraud, C. & Bezault, E. (2021). Levels of genetic differentiation and gene flow between four populations of the Scaly-naped Pigeon, Patagioenas squamosa: implications for conservation. Studies on Neotropical Fauna and Environment, DOI: 10.1080/01650521.2021.1878765.