Nouveau programme de recherche dédié aux tortues invasives en Guadeloupe et en Martinique

Alors que la Guadeloupe et de la Martinique regorgent d’une biodiversité foisonnante, la présence d’espèces exotiques envahissantes représente une menace sérieuse pour ces espèces fragiles. Dans ce contexte, Caribaea Initiative vient de débuter un nouveau programme qui permettra de mieux comprendre la démographie et l’impact des tortues exotiques en Guadeloupe et en Martinique.

Ce nouveau programme, baptisé DEVIMTOR (acronyme pour Démographie et EValuation de l’IMpact des TORtues aquatiques exotiques envahissantes dans les Antilles françaises), s’inspire des recherches récentes menées par l’association en Guadeloupe dans le cadre du projet MERCI, un précédent projet ambitieux dédié aux reptiles exotiques envahissants dans les Antilles. Les tortues d’eau douce exotiques faisaient en effet partie des espèces étudiées, et les résultats obtenus en Guadeloupe confirment à la fois l’importance de leur présence sur l’île, et donc la menace qu’elles posent pour les écosystèmes, mais aussi la nécessité de continuer les recherches (plus d’informations).

Trachemys scripta

Le programme DEVIMTOR s’inscrit également particulièrement bien dans l’actualité. En effet, l’IPBES (groupe d’experts intergouvernementaux sur la biodiversité) a sorti en septembre son dernier rapport dédié aux espèces exotiques envahissantes et à la menace considérable qu’elles représentent pour la biodiversité mondiale (plus d’informations). Cette réalité est particulièrement préoccupante pour les environnements insulaires, qui se révèlent plus vulnérables face à ces intrus. L’étude de ces espèces est essentielle pour mieux comprendre leur impact et définir des plans d’action ciblés et efficaces. Ainsi, l’étude approfondie des tortues invasives en Guadeloupe et en Martinique représente une étape cruciale pour protéger la biodiversité unique de ces régions.

Trois espèces de tortues d’eau douce non indigènes ont été identifiées dans ces deux territoires : la Péluse de Schweigger (Pelusios castaneus), originaire d’Afrique, la Trachémyde de Stejneger (Trachemys stejnegeri), originaire de Porto Rico, et la tortue de Floride (Trachemys scripta), qui fait partie des 100 espèces les plus invasives au monde. Bien que ces espèces semblent inoffensives, elles peuvent avoir un impact conséquent sur les écosystèmes, notamment à travers leur régime alimentaire (compétition, prédation) et l’introduction de pathogènes dont elles sont porteuses. Malgré ces risques, peu d’études ont été menées en Guadeloupe et en Martinique.

Le projet suivra plusieurs axes de recherche précis en se basant sur des techniques d’étude modernes. L’approche de l’ADN environnemental sera ainsi développée et évaluée sur les deux territoires. Cette technique permet de détecter la présence d’espèces cibles grâce à l’analyse génétique d’échantillons de l’environnement (eau, sédiments, etc.). Il sera ainsi possible d’évaluer l’occurrence et l’abondance relative de plusieurs espèces de tortues même dans des environnements où les individus sont rares, et donc difficilement observables.

Pesée d’une tortue exotique

Des analyses génétiques seront également utilisées pour mieux comprendre le régime alimentaire des trois espèces. Des échantillons de contenus stomacaux ou de fèces seront en effet analysées par metabarcoding, une méthode permettant d’identifier une grande diversité d’organismes consommés par les tortues. Cette méthode a été expérimentée au cours du projet MERCI pour être adaptée à l’analyse des contenus stomacaux de tortues d’eau douce. Déployée à vaste échelle au cours de ce nouveau projet, elle permettra en outre de faire un lien entre le régime alimentaire des tortues et différents paramètres écologiques et physico-chimique des plans d’eau. La même technique pourra enfin permettre l’identification de certains pathogènes à partir d’échantillons de sang ou de foie, permettant de préciser l’impact sanitaire des tortues, notamment sur la santé humaine.

Le dernier axe du projet alliera des techniques de génétique des populations et de télémétrie pour mieux comprendre les fluctuations démographiques des trois espèces, responsables de leur expansion spatiale et de la colonisation de nouveaux milieux. Des échantillons biologiques seront récoltés et analysés pour comprendre les flux de gènes entre différentes populations de Guadeloupe et Martinique, tandis que les déplacements d’individus munis d’une balise GPS seront suivis pendant deux années.

Le projet DEVIMTOR s’inscrit dans le cadre d’un Appel à Manifestation d’Intérêt de l’Office français de la biodiversité (OFB), pour le financement de projets de Recherche-Action sur les Espèces Exotiques Envahissantes. En plus de l’association Caribaea Initiative, le projet fera intervenir plusieurs partenaires (plus d’informations sur la page dédiée au projet). Débuté en janvier 2024, ce projet qui devrait également permettre la formation pratique d’étudiants caribéens devrait durer trois ans.