A Haïti, les petits espaces forestiers des zones urbaines offrent un refuge pour les oiseaux

La Caraïbe insulaire constitue un des plus grands réservoirs de biodiversité, ou « hotspot », de la planète. Au cœur de la région, Haïti abrite quelques 270 espèces d’oiseaux, dont plusieurs sont endémiques d’Hispaniola. En dépit de cet héritage naturel hors normes, Haïti s’illustre aussi comme l’un des pays les plus déforestés du monde, et le plus densément peuplé d’Amérique latine. Les zones forestières urbaines apparaissent alors comme des refuges pour la biodiversité.

Qu’elles soient constituées de restes de forêts secondaires ou de surfaces agroforestières, les parcelles de forêt urbaines abritent une faune dont on ne connaissait jusque-là pas l’étendue. Pour comprendre l’importance de ces espaces pour l’avifaune locale, Jean-Marry Exantus s’est attelé à une prospection méthodique de 16 sites situés dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Muni d’un GPS, de jumelles et d’une grande expertise ornithologique, il a parcouru des transects prédéterminés dans chaque site, à l’aube et au crépuscule, identifiant, par observation directe ou grâce à leur chant, tous les oiseaux sur son passage.

Au cours des quatre mois de collecte de données, ce ne sont pas moins de 2903 oiseaux qui ont été répertoriés, appartenant à 40 espèces différentes. Le nombre d’individus observés varie grandement d’une espèce à l’autre, avec des oiseaux très communs comme le Pic d’Hispaniola (Melanerpes striatus), la Tourterelle triste (Zenaida macroura) et l’Esclave palmiste (Dulus dominicus), observés chacun plusieurs centaines de fois, et d’autres oiseaux aperçus seulement une ou deux fois, comme la Paruline des prés (Setophaga discolor), la Tourterelle à ailes blanches (Zenaida asiatica) et le Pigeon simple (Patagioenas inornata).

L’analyse des résultats montre que les deux types de sites, forêts secondaires ou surfaces agroforestières, présentent une richesse (en termes de nombre d’espèces) et une diversité similaires. Qui plus est, les valeurs de ces deux paramètres diminuent avec l’augmentation du pourcentage de surface construite dans un rayon de 500 mètres autour des parcelles. L’étude suggère donc que ces parcelles de forêts urbaines, dont la taille de celles étudiées varie de 1 à 11 hectares, offrent un intérêt non négligeable pour la conservation des espèces d’oiseaux dans ces environnements très urbanisés. En plus du nombre d’espèces important que l’on y trouve, certaines d’entre elles présentent de plus un intérêt particulier. Deux espèces endémiques de l’île classifiées comme vulnérables sur la liste rouge de l’UICN, l’Amazone d’Hispaniola (Amazona ventralis) et la Corneille d’Hispaniola (Corvus leucognaphalus), ont ainsi été observées. Le Courlan brun (Aramus guarauna), moins menacé à l’échelle globale mais peu commun en Haïti, a également été vu à de multiples reprises.

Cette étude est une des rares à s’être penchée sur la faune d’Haïti. L’extrême pauvreté et l’insécurité chronique qui règnent dans le pays sont en effet un des freins aux avancées scientifiques. Cette étude est d’autant plus importante pour le pays qu’elle a été publiée par un auteur haïtien. Elle permet d’appréhender pour la première fois la biodiversité qu’abritent les espaces forestiers de milieux fortement urbanisés d’Haïti, qui présente un taux de déforestation important et une population très dense, particulièrement en milieu urbain. Elle met en évidence l’importance de ces sites, et donc de leur conservation, pour maintenir la biodiversité locale.

 

 

A propos de l’auteur

Titulaire d’un diplôme de master et d’un diplôme d’Ingénieur Agronome spécialisé en ressources naturelles et environnement, Jean-Marry Exantus a démarré son doctorat en 2018 au sein de l’Université des Antilles (Guadeloupe). Sous la direction de Frank Cézilly (Université de Bourgogne Franche-Comté) et d’Etienne Bezault (Université des Antilles), il travaille sur la biologie des populations d’oiseaux endémiques d’Haïti. Ses recherches sont financées par Caribaea Initiative.

 

Reference

Exantus, J.-M., Beaune, D. & Cézilly, F. (2021). The relevance of urban agroforestry and urban remnant forest for avian diversity in a densely-populated developing country: The case of Port-au-Prince, Haiti. Urban Forestry & Urban Greening 63: 127217.